Travail & Politiques

Travail & Politiques

Travail et Politiques

Responsables : Jean-Pascal Higelé, Sabrina Sinagaglia et Ingrid Voléry

Du point de vue disciplinaire, ce programme de recherche combine approches sociologiques, socioéconomiques et anthropologiques. Ses champs et sujets empiriques comme les méthodologies deployées (enquêtes quantitatives et qualitatives, analyses discursives...) sont pluriels.

Cet axe est structuré autour de trois grandes thématiques :

 

1. Les travaux sur les transformations des formes d’existence et des conditions de production sociale du salariat et leurs enjeux

Il s’agit ici de décrire les inflexions qui affectent le contenu des systèmes d’emploi, l’évolution de la division et de l’organisation du travail et de la production (incluant les formes de gestion de la main-d’œuvre), les tensions contradictoires qui marquent les rapports éducatifs et les injonctions sociales (y compris économiques) qu’ils internalisent, les processus d'institution du salariat tant aux niveaux locaux, nationaux qu’européen. A ce titre, une importance particulière est accordée aux questions de formation des salaires et à la « crise » des systèmes de protection sociale ou de déstructurations-restructurations productives et aux liens qu'elles entretiennent avec le système éducatif. Ces descriptions ont logiquement pour point de passage obligé l’étude des politiques et dispositifs d’action publique ainsi que des autres modalités d’intervention et d’action (privées, para-publiques). Elles impliquent en même temps l'étude du déplacement de leurs relations, de leurs frontières et de leurs points d’application. La dimension évaluative est, de facto, une dimension constitutive et prégnante de ces descriptions. Deux interrogations théoriques sont fixées :

  • La première cherche à mesurer si le concept de rapport salarial demeure, comme l’avaient longtemps affirmé les théories de la régulation économique et sociale, un rapport social déterminant et séparateur, ou si, a contrario, il n’est plus que l’expression abstraite prenant acte du fait que le salariat est, pour environ 90% de la population active, la forme sociale dominante d’inscription des individus dans l’économique (donc de leur reproduction). Ceci revient à poser l'hypothèse de l’entrée dans un processus de crise du salariat et de ses structures.
  • La seconde interrogation théorique vise à caractériser les transformations, inflexions et vacillements des formes institutionnelles du salariat (que nous ne limitons pas aux formes étatiques) entre le registre du nouveau mode historique de régulation interne au salariat ou celui du déploiement contradictoire d'un mode de régulation inscrit dans l'existant des institutions du salariat.

 

2. Les travaux sur les politiques publiques et les institutions

Il s’agira d’étudier les transformations des relations entre niveaux de gouvernementalité : pouvoirs et instances locaux, niveau étatique (au sens classique), niveau européen. Le débat sociologique sur la configuration de l’Etat-nation, sur l’idée d’un amenuisement futur de son rayon d’action notamment en termes de politiques publiques, sur les cohérences et les conflits de légitimité, sur l’articulation des modes d’action des différentes instances et leurs effets ne pourra être esquivé. La somme des travaux mobilisant l'analyse des politiques publiques, para-publiques et des acteurs qui les portent sera également l'occasion de porter une analyse sur ce qui semble être un usage extensif et quasiment généralisé d’une chaîne lexicale et sémantique commune et normative, qui conditionne la mise en place et la légitimation des dispositifs d’action publique et privée (soit les dispositifs sociaux).

 

3. Les travaux sur les processus de construction sociale du genre et des âges sociaux de la vie, l’injonction au bien-être et à la bienveillance, et leurs effets

Dans la lignée de la recherche pluri-disciplinaire en cours réalisée au sein de la MSH Lorraine (Genre, institutions et trajectoires sociales), l’orientation de recherche principale est d’analyser ce que nous pourrions nommer le rapport entre politiques tendant à « privatiser », au sens large mais sous le politique, l’expérience des âges sociaux au nom d’une vision singulière d’un intérêt général capable de cimenter et d’ordonner besoins et satisfaction des besoins en intégrant et en diffusant normes et valeurs, le plus souvent en réifiant l’espace socio-familial. Le registre rhétorique du bien-être, de la bienveillance etc. est alors décisif, à l’instar de qu’il se passe dans les controverses actuelles (mais théoriquement et pratiquement récurrentes) sur le bonheur, notamment dans les théories économiques et psychologiques. Pour l’instant, seul ce qui est socialement désigné comme « le grand âge » ou « le quatrième âge » a été étudié ; l’extension aux positions sociales de l’enfance et de l’adolescence est en cours. Là encore, ce qui est en jeu est la compréhension des conditions sociales de production de ces politiques et des contradictions propres à l’élaboration et à l’imposition, toujours provisoire, d’un ensemble de normes et de valeurs apparentes subsumant, sans cohérence a priori, singularités et pluralité des dimensions sociales de l’existence. Dans ce cadre, deux questions théoriques seront abordées, qui ne sont pas hétéronomes l’une à l’autre : d’une part qu’en est-il de la dichotomie sanitarisation du social/socialisation du sanitaire, aujourd’hui terme de débat dans la « sociologie du social », d’autre part en quoi la notion de biopolitique (sur-utilisée) peut ou non aider à analyser et enrichir cette thématique ?    

 

Les interrogations théoriques transversales à ces trois champs empiriques

L’hétérogénéité des sujets empiriques abordés dans cet axe renvoie à une série d’interrogations théoriques transversales. Chaque thématique a affaire aux définitions de l’état et de ses politiques, des contours et des mouvements de la « société civile », mais aussi à la nébuleuse que forme le triptyque normes-valeurs-besoins dont il s’agit d’en visiter les conditions concrètes d’imposition, les degrés de cohérence, les contradictions. Dans ce large objet de recherche, nous nous limiterons à trois chantiers théoriques :

  • interroger l'opposition entre des figures sociales dites publiques qui seraient condensées et abrégeables dans le concept d’Etat et des figures dites privées qui le seraient dans celui de société civile ;
  • examiner le concept d’Etat social et sa portée heuristique (cf. le séminaire consacré à cette question) ;
  • évaluer le sens et la portée de l’omniprésence de l’individualisation dans les trois thématiques, présente tant dans les pratiques discursives que dans les actions concrètes, alors qu’elle est bien encastrée dans des dispositifs sociaux standards.