Mon projet est de soumettre la philosophie à l'épreuve de l'art. Ce qui suppose de libérer l'art de son arraisonnement philosophique, autrement dit de le penser hors du champ normatif de l'esthétique. Ainsi émancipé, l'art pourra être étudié pour ce qu'il a toujours été: un mode de pensée original et non soluble dans la philosophie de l'art. Des cas spécifiques seront étudiés de manière à dégager certaines des lignes problématiques propres à la pratique artistiques : les oeuvres et les écrits de Marcel Duchamp, Sol Lewitt, Robert Morris, Hans Haacke et Max Neuhaus. Nous déduirons de ce travail une pensée de l'opération, de la procédure et du protocole dont nous essaierons de proposer une théorie proprement philosophique en nous appuyant sur la double et concomitante révolution que Edmund Husserl et Bertrand Russell entreprirent entre 1903 et 1907 : elle consista à l'orée de la phénoménologie et de la philosophie analytique à produire des procédures de validation des énoncés anonymes et impersonnels. Il faudra bien sûr préalablement à toute élaboration conceptuelle penser ces opérations hors des présupposés ontologiques et gnoséologiques qui accompagnèrent leur invention : penser les opérations de connaissance sans se donner ni sujet ni objet et donc ces opérations hors de leur finalité cognitive. Cet entre-deux de la gnoséologie et de l'ontologie sera notre terrain d'étude privilégié et nous montrerons qu'il y a là une zone et un moment ni philosophique ni artistique, par conséquent pensable en artiste et en philosophe. Nous devrons devenir l'un et l'autre.
