Ce travail de recherche commence symboliquement le 4 décembre 2015, jour du premier tour des élections régionales d’une France encore sidérée par les attentats commis par l’organisation militaire, politique et terroriste, Daech, le vendredi 13 novembre 2015 dernier à Paris et Saint-Denis, attentats dont un sinistre avant-goût avait été donné le 11 janvier 2015 dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo.La France finit l’année comme elle l’avait commencée, attaquée dans ses principes de laïcité, Liberté, Egalité, Fraternité, rongée de l’intérieur par une montée galopante de l’extrême droite et le départ pour la Syrie de combattants français embrigadés sur son propre sol, comme si la république en crise fabriquait ses ennemis de l’intérieur, comme si la « banalité du mal » définie par Hannah Arendt comme l’absence de capacité à «penser par soi-même », se rappelait à nous dans toute sa violence (1).Nous sommes en guerre. Contre l’obscurantisme, contre l’aliénation mentale voulue par Daech… En pleine guerre civile espagnole, le poète et dramaturge Miguel Hernandez écrit ces lignes : « Je crois que le théâtre est une arme de guerre magnifique, contre l’ennemi d’en face et contre l’ennemi chez soi. Il me semble que tout théâtre, toute poésie, tout art doit être, aujourd’hui plus que jamais, une arme de guerre. De guerre contre tous les ennemis du corps et de l’esprit qui nous harcèlent, maintenant, en ces moments de révolution et de rénovation de tant de valeurs, plus nus et en danger que jamais » (2).Aujourd’hui encore, le théâtre reste un puissant rempart à la barbarie où les faiseurs de théâtre, loin d’être enfermés dans leur tour d’ivoire et poursuivis par un idéal humaniste, questionnent le monde, témoigne du monde, digère le monde… Mais ni le théâtre européen ni les autres disciplines artistiques n’échappent aux règles du néolibéralisme : malgré les appels répétés des artistes envers les politiques sur la nécessité de faire de la création et de l’accès à la culture une priorité absolue pour contrer la menace extrémiste, les budgets artistiques ne cessent de diminuer au profit d’un tourisme culturel et événementiel dévorant, mettant en danger l’art vivant et le maillage culturel qui fait pourtant la singularité de la France (3).C’est ce maillage inouï entre l’Etat et les collectivités territoriales qui garantit le plus efficacement l’indépendance des artistes qui est aujourd’hui en danger et fait l’objet de cette thèse. L’espace transfrontalier de la Grande Région (Saar - Lor - Lux - Rhénanie-Palatinat - Wallonie) et la future ALCA (Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes) en seront le terrain d’expertise au travers d’un même prisme : « Production, création, diffusion : vivre du théâtre en Grande Région ».
